Les prix de l’électricité prennent l’ascenseur

Comme annoncé dans les médias, les prix de l’électricité fournie par les grands distributeurs romands ont pris l’ascenseur. Le groupe-e annonce pour 2024 une augmentation moyenne de près de 30%, à Genève c’est 18%, dans les villes vaudoises 12% et à Yverdon 10%.

Une part de ces augmentations (5%) s’explique par l’instauration d’une taxe pour financer les réserves d’électricité décidées par la Confédération dans le but d’éviter les pénuries. Le reste est en grande partie lié à l’augmentation des prix suite à la guerre en Ukraine et au manque de production provenant de France (un grand nombre de centrales nucléaires ont été mises à l’arrêt pour révision).

Il pourrait sembler paradoxal que de telles annonces d’augmentations surviennent alors que les prix sur le marché de gros sont en baisse. Mais cela s’explique par le fait que l’électricité est en grande partie achetée à l’avance ce qui reporte en partie les effets de la crise (automne-hiver 22-23) sur les prix 2024.

Il est aussi à noter que notre facture d’électricité comprend des taxes diverses (utilisation du réseau, etc) qui peuvent représenter 50% de la facture d’un ménage et ne sont pas directement concernées par ces augmentations de prix. L’impact sur nos factures finales d’électricité sera donc moins élevé que les pourcentages annoncés.

 

L’effet du marché libre et de la dépendance vis-à-vis de l’étranger

Dans le cas d’un marché libre (ce qui n’est pas encore possible pour les particuliers en Suisse), les clients peuvent choisir leur fournisseur d’électricité en faisant jouer la concurrence. Cependant, ce système peut engendrer des variations de prix beaucoup plus fortes. En effet, dans un marché libre, les prix ne sont plus régulés par la Confédération. Des opérateurs, en jouant en continu sur l’offre et la demande, parviennent à proposer des prix plus bas. Mais comme ils achètent moins d’avance, lors de crises, ils sont obligés d’acquérir le courant au prix fort pour fournir leurs clients, ce qui peut faire « exploser » la facture.

L’exemple de la commune de St-Prex illustre cette situation. Celle-ci avait opté pour le marché libre pour une bonne part de son électricité (c’est déjà possible pour ceux qui consomment au moins 100’000 kWh/a ). En raison de la crise, la Commune a vu le prix de son électricité augmenter de 1600%. Ses coûts d’électricités sont ainsi passés de 70’000.- à 1,3 millions. Après avoir fait pression en alertant les médias et en portant plainte, la Commune a finalement réussi à trouver un accord avec son fournisseur, mais le prix du kilowattheure est quand même passé de 5 à plus de 30 centimes (6 fois plus).

Au Royaume-Uni, les consommateurs anglais peuvent déjà changer de fournisseur. Ils font leur choix en fonction des prix offerts par de nombreuses sociétés dont certaines ne font qu’acheter de l’électricité sur le marché sans jamais rien produire à l’instar d’un trader de la bourse. Un peu comme pour notre assurance maladie de base, les particuliers sont encouragés chaque année à changer de fournisseur pour opter pour le moins cher du moment. Mais ce système, qui devrait profiter aux consommateurs en faisant jouer la concurrence, est fragile. En effet, avec la forte augmentation du prix du gaz en 2021, 29 fournisseurs ont fait faillite et les fournisseurs restants se sont alors cantonnés à proposer des contrats à prix fixes très proche du prix maximum fixé par l’Etat.

Avec la crise, les prix de l’électricité des particuliers anglais ont quand même augmenté en moyenne de plus de 70% en octobre 2022. Cela s’explique en grande partie par le fait que la Grande-Bretagne produit près de 40% de son électricité avec du gaz ce qui la rend particulièrement dépendante. En conjonction avec l’augmentation du prix du gaz pour le chauffage, de nombreux foyers se sont retrouvés en situation de « précarité énergétique » entraînant des cas dramatiques (poursuites, coupures, privations, etc.). Pour limiter des crises futures, une des solutions envisagées est le développement massif des énergies renouvelables afin de diminuer la dépendance de la Grande-Bretagne aux énergies fossiles et disposer de moyens de productions locaux offrant une plus grande prévisibilité dans les prix; pour preuve, l’intention du gouvernement actuel d’alléger l’interdiction actuelle d’installer des éoliennes terrestres.

 

Un accélérateur de la transition énergétique ?

Il faut espérer que, mis à part l’impact social (précarité, pouvoir d’achat, etc.), ces augmentations de prix permettront d’accélérer les mesures d’économies d’énergie et le recours aux énergies renouvelables. Le municipal de St-Prex n’affirme-t-il pas « On a encore jusqu’à mi-décembre pour négocier. Des mesures vont également être prises par la commune, comme l’installation express de panneaux solaires« …

 

Quelques références en pdf :