Quelques informations et conseils en cette rentrée très spéciale

Cette rentrée scolaire est très particulière pour nous car la question de l’énergie est sur toutes les lèvres et les médias débordent d’informations à ce sujet.

Les enseignant.e.s, les enfants et les jeunes sont tout naturellement aussi confrontés à cette actualité et il s’agit d’être en mesure de répondre à leurs questions de façon étayée, sans dramatisation et, si possible, rebondir sur cette actualité pour promouvoir l’utilisation rationnelle de l’énergie et le développement des énergies renouvelables.

 

Ne pas dramatiser la situation

Au même titre que le réchauffement climatique qui peut créer anxiété (éco anxiété), sentiment d’impuissance et replis sur soi, les perspectives de pénuries énergétiques peuvent aussi avoir un effet paralysant voire angoissant sur la population et particulièrement les enfants.

Si ceux‐ci expriment de l’anxiété, il s’agit de prendre le temps de les écouter et de leur transmettre des arguments réalistes mais positifs, comme par exemple:

  • personne n’est certain que l’on fera face à une grave pénurie. Cela dépendra, par exemple, de la rigueur de l’hiver ou de la capacité de la population à limiter volontairement sa consommation.
  • cette crise est annoncée, elle ne va pas nous surprendre. Les autorités ont pu se préparer depuis des mois à toutes les hypothèses.
  • pour faire face à cette crise, les autorités agiront d’abord sur les entreprises et les aménagements publics avant les ménages.
  • ces inquiétudes et ces réflexions sont peut‐être aussi une chance car elles nous rappellent l’importance de l’énergie et la nécessité de ne pas la gaspiller ainsi que développer des énergies plus propres et locales.
  • Même si personne ne souhaite une crise énergétique, apprendre à vivre avec moins sera peut‐être aussi formateur et riche d’enseignements.

 

 Pouvoir expliquer simplement les raisons de la crise actuelle.

Bien que le thème soit présent tous les jours dans l’actualité, les raisons principales de la crise énergétique ne sont pas forcément claires pour tous.

Pour ce qui est du chauffage, en particulier du gaz naturel, les choses sont assez « simples ». Le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine entrave l’alimentation de l’Europe en gaz Russe (il représente 43% du gaz que nous consommons en Suisse).

  • Un des gazoducs principaux qui alimentent l’Europe passe par l’Ukraine.
  • La Russie subit des sanctions et par mesure de rétorsion bloque ses livraisons de gaz à l’Europe.
  • La Suisse est politiquement assez isolée en Europe et il lui est difficile de faire jouer à plein la solidarité avec les autres Etats européens.

Pour ce qui est de l’électricité, les raison sont diverses et pas seulement liées à la crise ukrainienne.

  • Tous les pays d’Europe sont interconnectés et s’échangent leur électricité. Si de l’électricité manque dans un pays, celui‐ci va solliciter son voisin qui à son tour va répercuter cette demande vers d’autres pays voisins et ainsi de suite. Un arrêt de production d’électricité, même éloigné de la Suisse, peut ainsi, au final, nous impacter.
  • Comme une partie de l’électricité en Europe est produite avec du gaz naturel, la production de ces centrales thermiques va manquer au réseau européen.
  • Parallèlement à ce problème lié au conflit Ukrainien, 50% des réacteurs nucléaires français (28 sur 56) sont à l’arrêt notamment pour des questions de sécurité. Certaines centrales pourront redémarrer, mais d’autres verront peut-être leur arrêt prolongé si les problèmes de sécurité ne sont pas résolus.
  • Face à la crise du gaz, certains acteurs pourraient être tentés de se retourner vers l’électricité ce qui ne fera que renforcer la pénurie de courant (chauffage, processus industriel, etc.).
  • On peut aussi citer les centrales nucléaires ukrainiennes qui sont au coeur du conflit et qui seront peut‐être débranchées du réseau (l’Ukraine aura peut‐être ainsi besoin que l’Europe lui fournisse de l’électricité supplémentaire alors que celle‐ci va justement en manquer).
  • A nouveau, la Suisse est assez isolée en Europe. Elle n’est pas parvenue à signer un accord cadre, condition pour un accord dans le domaine de l’électricité. La capacité de stockage de ses barrages est un argument, mais de manière générale chaque Etat risque d’abord se préoccuper de sa population avant de faire preuve de « générosité ».

Le pétrole quant à lui, dispose de possibilités d’acheminement plus diversifiées que le gaz et l’électricité. Ces dernières sont des énergies de réseau (lignes électriques ou gazoduc), leur voies de transport sont donc plus limitées ce qui fragilise leur approvisionnement. Même si la Russie est un grand producteur de pétrole, la pénurie ne semble pas à l’ordre du jour ce d’autant plus que la crise actuelle pèse sur les économies. La croissance de la Chine étant ralentie sa consommation de pétrole est aussi à la baisse.

 

Connaître la différence entre Blackout et pénurie d’électricité

  • Un black‐out correspond à un arrêt de livraison d’électricité alors qu’il n’en manque pas forcément. Cela peut être dû à une panne, une ligne coupée par exemple.
  • Une pénurie, quant à elle, est un manque d’électricité par rapport à la demande.

En cas de risque de pénurie, et pour éviter que des secteurs entiers ne s’arrêtent de fonctionner, l’Etat pourra décider d’arrêter préventivement les consommations de certains secteurs jugés non essentiels. Ce sont d’abord des entreprises et des services publics qui seront impactés. Les foyers ne seront concernés qu’en dernier ressort.

Ref : https://www.swissgrid.ch/fr/home/newsroom/blog/2022/penurie-delectricite-vs-black-out.html

 

Comprendre l’influence majeure du prix des énergies sur l’économie

 Cette situation de grande incertitude influe fortement sur les prix des énergies :

  • Fin août, le prix du gaz naturel européen s’est envolé et a atteint 342,05 euros (329,64 francs) le MWh alors qu’il y a un an il était de 27 euros.
  • A la même période, le prix de l’électricité pour livraison début 2023, culminant vendredi à 950 euros le MWh en Allemagne et à 1300 euros en France. Il y a un an, les prix dans ces deux pays étaient seulement d’environ 85 euros par MWh.
  • Il est important de préciser que le mécanisme de fixation du prix de l’électricité de gros est fixé par rapport au mode de production le plus cher. Avec l’envolée du prix du gaz, c’est le coût des centrales électriques à gaz qui est pris en compte, ce qui fait exploser mécaniquement le prix de l’électricité. En d’autres termes, le prix de l’électricité est fortement influencé par celui du gaz pour des raisons réglementaires.
  • Du côté du pétrole, après une flambée, son prix est un peu redescendu. Il se situe autour des 100$ le baril, soit proche du prix qu’il était avant l’invasion de l’Ukraine. L’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) vient même de décider de diminuer sa production pour éviter que les prix baissent trop. Le prix du pétrole risque donc de rester élevé mais ne devrait pas subir les mêmes augmentations que le gaz ou de l’électricité.

Il est évident qu’un prix très élevé des énergies influe sur la marche des entreprises, alimente l’inflation, ce qui a pour conséquence une augmentation des prix de beaucoup de biens et services.

Contrairement aux conséquences du réchauffement climatique qui sont perçues généralement comme assez indirectes ou éloignées, l’augmentation du prix des énergies touche donc directement la population en affectant immédiatement le pouvoir d’achat. Cette situation peut être explosive au niveau social, en particulier pour les ménages les plus modestes. Si l’on considère que pouvoir se chauffer et disposer d’électricité sont des biens essentiels, que se passera-t-il si certaines personnes ne peuvent plus le faire faute de moyens ?

L’influence du prix des énergies sur les comportements individuels est donc très forte. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’application de taxes pour renchérir artificiellement le coût des énergies a souvent été prônée pour inciter les utilisateurs à moins gaspiller. Mais, comme la crise de gilets jaunes en France le prouve, cela pleut occasionner des oppositions virulentes voire des révoltes. Le refus de la nouvelle loi suisse sur le CO2 qui prévoyait d’en augmenter la taxe en est une autre illustration. Alors qu’une légère augmentation de prix du carburant des voitures a suscité une levée de boucliers en France, qu’en sera-t-il de l’explosion actuelle des prix ?

Comme les origines de l’augmentation sont extérieures à la Suisse, la population sera probablement plus encline à participer à l’effort collectif pour traverser cette période difficile que de se révolter. Mais des reproches envers les autorités seront inévitables.

 

La peur de la pénurie encourage le « retour en arrière »

L’urgence d’une crise énergétique à court terme repousse la lutte contre le réchauffement climatique et le développement durable à plus tard. Ainsi, certains pays relancent leurs centrales thermiques polluantes ou retardent leurs fermetures.

L’Allemagne prévoit d’augmenter momentanément le recours à ses centrales au charbon alors que l’objectif était leur disparition d’ici 2030. En Angleterre, la nouvelle première ministre anglaise, Liz Truss serait prête à accorder 130 nouvelles autorisations de forages pétroliers en mer du Nord.

Certains milieux profitent de la crainte d’un black-out pour relancer l’énergie nucléaire en Suisse alors que la population avait choisi d’en sortir récemment et que la guerre en Ukraine nous démontre la fragilité de ces installations qui deviennent des cibles de guerre avec tous les risques que cela comporte. Aussi, le premier ministre anglais Boris Johnson, s’est dépêché avant de quitter le pouvoir, de signer un contrat pour la construction d’une nouvelle centrale nucléaire.

Face au risque de pénurie de gaz, l’Europe a accepté que les Etats-Unis lui livre du gaz. Celui-ci sera certainement en grande partie du gaz de schiste provenant d’une technologie de forage à laquelle la plupart des pays européens sont opposés. Avec la crise, certains pays s’interrogent à nouveau sur l’opportunité de relancer ce type de forage afin d’assurer leur indépendance énergétique.

Face au risque de pénurie, il y a de manière générale une tentation naturelle au repli et à l’individualisme que ce soit au niveau des états ou dans la population. Par exemple, le média 20minutes a demandé aux lecteurs qu’elles seraient les mesures d’économie à prendre. Le premier choix a été d’éteindre les éclairages dans les villes (pas chez eux), le second de ne pas charger les voitures électriques (jalousie envers les riches possesseurs de Tesla, refus du changement ?)…Bref, ce sont les autres qui devraient d’abord se sacrifier.  Il semble aussi que les achats de petits chauffages d’appoints électriques ou de générateurs à essence sont en hausse. Les autorités craignent ainsi à juste titre que des réflexes individualistes ne viennent annihiler les efforts du reste de la population (baisse du chauffage, économies d’électricité, etc.) et aggravent la crise.

 

Saurons-nous retirer quelque chose de positif de cette crise ?

Nous vivons un moment particulièrement paradoxal. Alors que l’on a souvent eu un peu l’impression de prêcher dans le désert en incitant le public à moins gaspiller l’énergie et que les médias semblaient souvent lassés d’en parler, ils regorgent actuellement de conseils et de propositions d’éco-gestes. Ce qui, il y a quelques mois était souvent considéré comme du rabâchage inutile et peu efficace, retrouve soudain de l’intérêt. On redécouvre les vertus des petits gestes individuels qui additionnés peuvent représenter des économies considérables et l’importance de l’Etat pour faire face à ces défis.

Au premier abord, on pourrait donc considérer que cette crise sera salutaire. Elle aura le mérite d’exposer crûment notre dépendance aux énergies fossiles et la fragilité de notre système d’approvisionnement. Grâce à elle, des mesures de bon sens sont déjà prises comme, par exemple, la fermeture des portes de certains magasins qui étaient laissées ouvertes auparavant. Des gestes simples sont rappelés, chacun réfléchit à ce qu’une température de chauffage adéquate signifie, et l’intérêt pour des énergies renouvelables et locales est renforcé ce qui pourrait en dynamiser le développement.

Mais d’un autre côté, on constate que la crise aura accéléré des projets de forages d’énergies fossiles. Des mesures essentielles de lutte contre le réchauffement climatique, comme l’arrêt de centrales au charbon, sont repoussées. La peur de manquer d’énergie est aussi exploitée pour réhabiliter des technologies dont les désavantages et les risques restent importants.

Il est malheureusement possible que, passé la crise, nous retournions avec soulagement à la « situation normale » en remontant nos chauffages et en abandonnant une grande partie des actions d’économies qui auraient pu être maintenues.

Dans tous les cas, il est de notre responsabilité de rappeler, à notre humble niveau,  que ce moment si particulier pourrait constituer un déclic, une occasion unique pour accélérer la transition énergétique car l’urgence climatique, elle, n’attend pas.

La guerre en Ukraine comme révélatrice de l’importance de l’énergie.

Quel que soit leur âge, les élèves que nous rencontrons sont au courant qu’une guerre est menée en Ukraine par la Russie. Même si leur compréhension des événements est très lacunaire, il n’est pas de notre responsabilité d’approfondir ce sujet avec eux. Pour autant, il n’est pas possible d’ignorer ce conflit. En effet, cette guerre est révélatrice de l’importance de l’énergie pour nos sociétés.

En rappelant aux élèves que l’énergie nous apporte du confort mais pose des problèmes de pollution et de ressources, il n’est pas interdit d’ajouter que son importance est telle qu’elle peut être au cœur de conflits armés[i].

Comme chacun l’aura constaté, la guerre russo-ukrainienne met en lumière la complexité et l’importance de l’énergie. Voici, ci-après, une petite synthèse en quelques points.

Une crise révélatrice de notre dépendance aux énergies fossiles

La Russie est un gros producteur d’énergies fossiles que cela soit du gaz, du pétrole ou du charbon. Son économie repose en grande partie sur la commercialisation de ces ressources. Plus les pays occidentaux se fournissent auprès de la Russie est plus ils deviennent dépendants[ii]. Ceci est d’ailleurs révélé par les points de vue très différents entre les pays occidentaux quant à la mise en place d’un embargo sur les exportations de gaz et pétrole russe. L’Amérique (USA) qui se fournit très peu auprès de la Russie pour son gaz et pétrole a décidé seul d’un embargo. L’Allemagne et d’autres pays européens freinent des deux fers car leur dépendance est très forte.

Prix de l’énergie et économie

La crise actuelle a entraîné une augmentation très forte du prix du pétrole et du gaz naturel. Le prix du baril de pétrole s’est même approché de 140$[iii], un niveau jamais atteint depuis 2008; et ce n’est peut-être pas fini. Toutes ces hausses de prix vont inévitablement peser sur la croissance économique mondiale et pourraient à terme entraîner des faillites, en particulier pour les industries les plus dépendantes du prix des énergies. Concernant l’embargo envisagé sur les exportations russes, celui-ci aurait inévitablement comme effet de faire encore monter le prix du gaz et du pétrole au détriment des pays consommateurs. Cet effet pervers est d’ailleurs l’un des arguments qui freine la décision d’imposer un tel embargo. De son côté, la Russie a aussi fait entendre qu’elle pourrait aussi couper l’approvisionnement en gaz. Elle a également prévenu qu’un embargo ferait, selon elle, augmenter le prix du baril à 300$ !

La fragilité du transport de l’énergie

L’Ukraine est un passage principal du gaz russe vers l’occident ce qui en fait un terrain stratégique. Pour contourner ce pays, le gazoduc Nordstream 2[iv] état en construction pour augmenter les capacités d’alimentation directe de l’Allemagne. Ce nouveau gazoduc aurait rendu l’Allemagne encore plus dépendante du gaz russe et la crise actuelle a entraîné la suspension du projet. Cet exemple démontre la fragilité du système de transport qui, si un gazoduc est endommagé ou arrêté, peut provoquer très rapidement une pénurie dans les pays d’Europe de l’ouest. On peut faire le parallèle avec le blocage récent du canal de Suez qui, suite à un simple échouage de navire, a désorganisé tout le transport de marchandises mondial.

La sécurité nucléaire

Même si l’Ukraine est le principal passage de gaz naturel vers les pays de l’Ouest, ce pays compte quinze réacteurs nucléaires produisant plus de 50% de son électricité[v]. Les forces russes ont rapidement pris possession du site de la centrale de Tchernobyl, ce qui a rappelé que l’Ukraine était le territoire qui avait connu le plus grave accident nucléaire de l’histoire. Quelques jours plus tard, la Russie a bombardé un bâtiment administratif de la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a sonné l’alerte car l’attaque de centrales nucléaires ou de barrages est interdite dans la Convention de Genève[vi] pour les retombées dévastatrices qu’elles pourraient produire.

Les moyens de guerre sont aussi tributaires de l’approvisionnement en énergie

Les forces russes n’ont pas progressé à la vitesse espérée. Une colonne de chars et camions de plus de 60km près de Kief semble faire du sur place. Les raisons avancées par les experts sont diverses (tactique, etc.) mais ils mettent aussi en avant un problème de mauvaise gestion de l’approvisionnement en carburant des véhicules et de la nourriture pour les soldats. Avec les moyens mécanisés modernes, les besoins en énergie sont cruciaux[vii]. On peut d’ailleurs faire le parallèle avec la deuxième guerre mondiale où le pouvoir nazi a manqué, plus la guerre progressait, de carburant pour ses chars et avions ce qui peut expliquer en partie sa défaite[viii].

L’énergie, c’est aussi la nourriture

La Russie et l’Ukraine sont de très grands producteurs de blé qui, dans nos pays, constitue la nourriture de base. En effet, 30%[ix] du blé mondial est produit dans ces régions. Et si nos pays sont en partie dépendants des récoltes de blé, ce sont surtout les pays d’Afrique du nord qui en sont de grands consommateurs. Comme l’augmentation du prix du blé avait été un élément important du déclenchement des Printemps arabes, il y a fort à parier que si le coût du blé prend à nouveau l’ascenseur dans ces régions, des troubles et révoltes pourraient voir le jour[x]. Il est également utile de signaler qu’une grande partie des engrais agricoles chimiques contiennent de l’azote produite à base de gaz naturel.[xi]. La Russie est un grand producteur de matières pour les engrais (ammoniac, roche de phosphates, souffre). Depuis le début de la crise, on assiste ainsi à une flambée du prix des engrais agricoles.

Les économies d’énergie justifiées autrement

Avec ce conflit, il est étonnant de voir ressurgir les conseils d’économie d’énergie non comme moyen de lutter contre le réchauffement climatique et la diminution des ressources mais comme outil de pression sur la Russie ou pour limiter l’impact des augmentations de prix. Ainsi, des commentateurs ont proposé de baisser tous nos chauffages de 1°C pour baisser nos consommations de gaz et pétrole russe[xii]. En France, un expert a calculé que la France pourrait se passer de pétrole russe si les camions et les voitures ralentissaient tous de 10 km/h leur vitesse moyenne, et si tous réduisaient de 10% leur kilométrage annuel.

La crise est utilisée dans les argumentaires

La crise en Ukraine révèle tout particulièrement notre dépendance aux énergies fossiles qui deviennent des enjeux de pouvoir et de pression. Cela a été l’occasion pour certains d’arguer que cela était un raison supplémentaire d’accélérer le développement des énergies renouvelables qui ont l’avantage d’être locales[xiii]. D’autres poussent pour un développement accéléré des forages d’énergies fossiles hors Russie[xiv].  Un commentateur français aurait même fait l’éloge du nucléaire comme moyen de production « local » non dépendant d’un autre pays au contraire des centrales électriques thermiques à gaz.

La hiérarchie de l’information

L’importance de la guerre russo-ukrainienne repousse au second plan des informations pourtant cruciales. Ainsi, le GIEC vient de publier un complément à son dernier rapport qui met en garde contre des effets irréversibles du réchauffement climatique[xv]. Il précise que de 3,3 à 3,6 milliards de personnes sont déjà « très vulnérables ». Cette annonce est passée quasi inaperçue dans le brouhaha de la guerre. On peut alors se demander si la relégation des questions environnementales au profit des risques de pénuries immédiates aura un impact (positif ou négatif) sur le développement des énergies renouvelables et la diminution de nos consommations ?

En conclusion…

Tous ces éléments démontrent la complexité et l’importance de l’énergie dans nos sociétés. Comme déjà précisé, il ne s’agit pas d’entrer dans de grandes discussions avec les élèves, mais il n’est pas interdit de préciser que l’énergie peut constituer un aspect important voir principal de conflits entre nations.

[i] Outre la guerre actuelle en Ukraine on peut citer les deux guerres du Golfe où le contrôle de régions pétrolifères était au centre du conflit.

[ii] 47% du gaz consommé en Suisse provient de Russie https://gazenergie.ch/fr/savoir/detail/knowledge-topic/3-provenance/   [] « Le gaz    russe n’approvisionne pas l’Autriche, alors qu’il approvisionne la Finlande à hauteur de 100%. Pour la France, cette part est assez limitée et représente moins de 20%. La France a une grande façade maritime qui lui permet d’importer du gaz liquéfié. En revanche chez nos voisins allemands et italiens, le gaz russe pèse très significativement et représente plus de 50% de leurs approvisionnements en gaz. » https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/la-france-peut-elle-se-passer-du-gaz-russe

[iii] https://www.latribune.fr/economie/international/guerre-en-ukraine-le-prix-du-baril-de-brent-tutoie-les-140-dollars-washington-cherche-a-interdire-les-importations-russes-905543.html

[iv] https://fr.wikipedia.org/wiki/Nord_Stream

[v] https://information.tv5monde.com/info/l-ukraine-pays-tres-nuclearise-au-coeur-des-inquietudes-447288

[vi] https://ihl-databases.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/ART/470-750071?OpenDocument

[vii] https://www.ouest-france.fr/monde/guerre-en-ukraine/guerre-en-ukraine-quatre-questions-sur-le-convoi-russe-a-l-arret-au-nord-de-kiev-16c758fc-99fe-11ec-9acb-1f509311c936

[viii] Reportage « Comment Hitler a perdu la guerre du pétrole » https://www.dailymotion.com/video/x6b35pp

[ix] https://www.bcv.ch/index.php//pointsforts/Marches/2022/Russie-Ukraine-fermeture-du-grenier-a-ble-de-l-Europe-quel-impact

[x] https://fr.wikipedia.org/wiki/Printemps_arabe#Influence_sp%C3%A9cifique_des_prix_de_l’alimentation

[xi] https://www.pleinchamp.com/actualite/guerre-ukraine-russie-des-consequences-severes-pour-les-engrais

[xii] https://www.franceinter.fr/emissions/l-edito-eco/l-edito-eco-du-mardi-08-mars-2022

[xiii] https://www.latimes.com/business/story/2022-02-26/one-way-to-combat-russia-move-faster-on-clean-energy

[xiv] https://www.theguardian.com/commentisfree/2022/mar/04/oil-gas-lobbyists-us-ukraine-drilling

[xv] https://www.rts.ch/info/sciences-tech/environnement/12900989-pour-le-giec-la-capacite-dadaptation-humaine-est-de-plus-en-plus-depassee.html

Lancement de la construction du parc éolien de Sainte-Croix

Le projet de 6 éoliennes au-dessus de Ste-Croix peut enfin démarrer !  Comme l’indique 20minutes, la construction est possible par la levée des dernières oppositions; un processus qui a pris 15 ans ! Les éoliennes produiront l’équivalent de la consommation de la Commune de Ste-Croix.

On peut s’interroger sur la lenteur de réalisation de telles infrastructures face à l’urgence climatique. Mais notre système démocratique est aussi précieux. Ces premiers projets de parc éoliens auront aussi eu le mérite d’établir une jurisprudence qui permettra certainement aux tribunaux de se déterminer plus rapidement à l’avenir.

Pour le clin d’oeil, j’ai retrouvé le dépliant A4 que j’avais réalisé pour le Canton et informant la population sur l’étude de faisabilité en cours.
Elle date de 1998, soit il y a 23 ans !

Pour rappel, le canton de Vaud dispose d’un potentiel d’énergie éolienne qui permettrait de produire de 12 à 25% de la consommation d’électricité du Canton.

Centrales nucléaires suisses : c’est quand la fin ?

Si les Suisses ont voté la sortie du nucléaire en acceptant la nouvelle loi sur l’énergie, la date de cette sortie n’a pas été fixée.

Une dépêche sur le site de la RTS nous informe de l’état des réflexions quant à la fermeture de nos 4 derniers réacteurs nucléaires. La Confédération souhaiterait prolonger encore la durée de vie de ces centrales en passant de 50 à 60 ans maximum.

Il est à noter qu’avec le réacteur de Beznau qui a 52 ans, la Suisse dispose de la plus ancienne centrale nucléaire en fonctionnement en Europe !

Mais une telle prolongation implique des assurances au niveau de la sécurité et des coûts supplémentaires pour les exploitants. Si ces surcoûts et les prix européens de l’électricité sont suffisants, il est très probable que les exploitants souhaiteront maintenir les centrales nucléaires en fonctionnement.

L’arrêt de la centrale de Mühleberg en 2019 n’aura donc pas été le début de la fin pour les centrales suisses, en tous cas à court terme.

Avec le refus de la loi CO2 et la difficulté de très rapidement augmenter la production d’énergies renouvelables pour remplacer le courant des centrales nucléaires, les instances politiques seront tentées de faire durer cette production d’électricité « décarbonée ». Mais ces années supplémentaires prolongeront le risque, même s’il est faible, d’un accident dont les conséquences seraient incommensurables.

 

Arrêt définitif de la centrale nucléaire de Mühleberg avant Noël

Le 20 décembre 2019, la centrale nucléaire de Mühleberg sera mise hors service.

Elle couvrait près de 5% des besoins suisses totaux en électricité.

Il restera en Suisse 3 centrales nucléaires et 4 réacteurs soit :

  • Beznau I et II
  • Gösgen
  • Leibstadt

Après 47 ans de fonctionnement, les exploitants ont décidé d’arrêter de l’exploiter pour des raisons économiques.

En effet, étant donné sa vétusté, les travaux nécessaires au maintien de sa sécurité ont été jugés trop coûteux.

Il s’agit de la première centrale suisse à être démantelée et les coûts de démantèlement sont estimés par l’exploitant à 927 millions de francs et à 1,43 millards pour la gestion des déchets (200’000 tonnes dont moins de 10% sont radioactifs).

Il est difficile de savoir si ces coûts sont réalistes, car si près de 100 réacteurs ont été arrêtés définitivement dans le monde très peu ont été démentelés ou sont en cours de démantèlement.

Ce qui est certain c’est que la désaffectation sera un processus très long (~15-20 ans) .

Pour ce qui est des autres centrales suisses, aucune date de fin d’exploitation n’a été fixée.

A noter que la Suisse dispose avec Beznau I de la plus ancienne centrale nucléaire en fonctionnement du monde !

Brochure sur le démentèlement publiée par l’exploitant (BKW)

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Il y a pétrole brut et brut

Selon les régions et les gisements, le pétrole brut n’a pas exactement la même composition. Il peut être très liquide et jaune clair, épais et d’un brun/noir plus ou moins foncé et même solide (brut parafineux).

La présence plus ou moins grande d’éléments indésirables dans le pétrole brut influe sur le potentiel de production d’essence, de kérosène, ou de mazout. Certains pétroles bruts sont très lourds et contiennent jusqu’à 80% de bitume, d’autres sont très huileux, d’autres très combustibles (les plus nombreux). Par exemple, le brut de Hassi Messaoud au Sahara contient une grande quantité d’essence et relativement peu de résidus tandis que le brut Lagunillas du Venezuela est très lourd en résidus et contient en proportion relativement peu d’essence.

Pour faire du fioul lourd (utilisé par les bateaux) ou du diesel/mazout il faut un pétrole riche en molécules assez lourdes. Au contraire, pour faire de l’essence ou du GPL (gaz de pétrole liquéfié) il faut un pétrole riche en molécules assez légères.

On parle souvent du Brent qui provient de la mer du Nord ou du WTI (West Texas Intermediate ou Light Sweet). Ces qualités de pétrole brut sont des références pour la fixation du prix du baril. En effet, selon la qualité du brut (lourdeur ou légèreté) et donc sa capacité à produire des matières utiles, en particulier du carburant, le prix varie. Par exemple, un pétrole brut contenant peu de souffre es plus simple à rafiner car il nécessite moins de traitements; il a donc plus de valeur qu’un pétrole brut contenant beaucoup de souffre qui est considéré comme « Sour » (acide). Le terme « Sweet » (sucré) du WTI-light Sweet signifie que ce pétrole contient peu de soufre. Par exemple, l’un des avantages du pétrole lybien qui était utilisé dans l’ex-raffinerie Tamoil de Monthey était justement sa faible contenance en soufre.

La qualité du brut et sa composition influe donc sur son utilisation finale et sa valeur. L’importance stratégique des gisements pétroliers des pays arabes ne vient donc pas seulement de l’étendue des réserves mais également de la qualité du brut s’y trouvant (la facilité d’extraction et d’acheminement vers les pays consommateurs entre bien entendu aussi en ligne de compte).

Le prix du pétrole va-t-il augmenter ?

L’Agence Internationale de l’Energie prévoit une augmentation du prix du pétrole vers 2020.
La raison en serait la forte de baisse dans les investissements d’exploration et d’exploitation depuis 2014 où le prix du baril était au plus haut (114$ contre ~55$ aujourd’hui).

A l’heure actuelle, le prix modéré du pétrole n’encourage pas les investissements dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie; et ce n’est pas le budget proposé par le Président américain Trump qui va changer les choses, bien au contraire. Il vient en effet de proposer de réduire de 31% le budget de l’Agence américaine de l’environnement !

Voici ci-dessous l’évolution de l’offre de pétrole par rapport à la demande prévue par l’AIE. On voit bien que l’écart se resserre vers 2020 ce qui devrait influencer les prix vers le haut.

Image : GRAPHsparecapacity.png

Toutes ces prévisions sont à court terme, comme la politique du Président Trump. Sur le long terme, les états qui auront adopté une politique plus courageuse en prévision de la raréfaction inéluctable du pétrole, s’en sortiront certainement le mieux.

Les prévisions de l’évolution offre/demande de pétrole sur le site de l’AIE

Article du Temps du 8 mars

Centrales nucléaires vieillissantes: 3 annonces le même jour

Voici trois nouvelles qui ont été rendues publiques le même jour :

La centrale nucléaire de Mühleberg sera définitivement fermée à fin 2019
les forces motrices bernoises (BKW) ont fait cette annonce car les travaux nécessaires pour maintenir la sécurité sont trop élevés. Il est à noter que le réacteur de Beznau I est actuellement à l’arrêt et pourrait aussi ne jamais redémarrer. Pour information, Beznau est la plus ancienne centrale nucléaire au monde en fonctionnement (1969) !

Durée de vie illimitée pour les centrales nucléaires suisses ?
Le National s’est opposé à toute limitation de la durée de vie des centrales nucléaires par 131 voix contre 64. Cette décision contredit ses positions précédentes.

Centrale nucléaire du Bugey (FR): La ville et le canton de Genève déposent plainte contre la France
Cette plainte contre X pour mise en danger de la vie et pollution des eaux est motivée par l’âge de la centrale qui ne se trouve qu’à 70km de Genève.

Tout n’est peut-être pas coïncidence, mais cela montre que dans le contexte de surproduction d’électricité en Europe, la volonté de faire durer les vieilles centrales risque d’être contrecarrée par les dures lois économiques. La transition énergétique semble donc bien inéluctable, raison supplémentaire de s’y engager de façon volontaire et déterminée.

articles & captures d’écrans :

rts Mühleberg & durée
Le Temps – Bugey

Informatiosn complémentairse :

La ministre française de l’environnement s’est déclarée le 28 février dernier favorable à un allongement de 10 ans de la durée de vie des centrales nucléaires françaises…
Le Monde – Ségolène Royal « prête » à prolonger de 10 ans la durée de vie des centrales nucléaires

Un jour après les annonces suisses, l’Allemagne réitère sa demande auprès de la France de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim en Alsace > dépêche du Temps