Arrêt définitif de la centrale nucléaire de Mühleberg avant Noël

Le 20 décembre 2019, la centrale nucléaire de Mühleberg sera mise hors service.

Elle couvrait près de 5% des besoins suisses totaux en électricité.

Il restera en Suisse 3 centrales nucléaires et 4 réacteurs soit :

  • Beznau I et II
  • Gösgen
  • Leibstadt

Après 47 ans de fonctionnement, les exploitants ont décidé d’arrêter de l’exploiter pour des raisons économiques.

En effet, étant donné sa vétusté, les travaux nécessaires au maintien de sa sécurité ont été jugés trop coûteux.

Il s’agit de la première centrale suisse à être démantelée et les coûts de démantèlement sont estimés par l’exploitant à 927 millions de francs et à 1,43 millards pour la gestion des déchets (200’000 tonnes dont moins de 10% sont radioactifs).

Il est difficile de savoir si ces coûts sont réalistes, car si près de 100 réacteurs ont été arrêtés définitivement dans le monde très peu ont été démentelés ou sont en cours de démantèlement.

Ce qui est certain c’est que la désaffectation sera un processus très long (~15-20 ans) .

Pour ce qui est des autres centrales suisses, aucune date de fin d’exploitation n’a été fixée.

A noter que la Suisse dispose avec Beznau I de la plus ancienne centrale nucléaire en fonctionnement du monde !

Brochure sur le démentèlement publiée par l’exploitant (BKW)

Article 24heures arret_muhleberg_24hs

Déchets nucléaires suisses : le point de la situation

Alors que la Suisse a décidé à moyen terme de sortir du nucléaire et que la centrale de Mühleberg sera fermée d’ici la fin de l’année 2019, la question de la gestion des déchets nucléaires reste entière. En effet, même une fois sortie du nucléaire, la Suisse devra trouver des solutions pérennes pour maîtriser la gestion des déchets nucléaires qu’elle aura généré pendant 50 ans.

Selon la Confédération, ces déchets (y compris ceux provenant de l’industrie, de la recherche et de la médecine) représentent un volume de quelque 100’000 mètres cubes, dont près de 90 % de déchets faiblement ou moyennement radioactifs (DFMR) et 10% hautement radioactifs (DHR). Certains de ces déchets devront être stockés 1 millions d’années pour ne plus représenter de danger pour l’être humain.

Les déchets radioactifs sont actuellement stockés dans des halles à proximité des centrales nucléaires et dans deux dépôts intermédiaires en Argovie. Il s’agit donc de solutions provisoires.

Une des solutions « définitive » consisterait à les enfouir dans des couches géologiques très profondes et stables.

En Suisse c’est la CEDRA/NAGRA (Conditionnement et d’Entreposage de Déchets RAdioactifs) qui est chargée par la Confédération et les producteurs de trouver des emplacements adéquats.

La procédure pour déterminer des sites adéquats passe par une série d’étapes définies dans un Plan sectoriel «Dépôts en couches géologiques profondes» (PSDP).

  • 2008-2011 – Proposition de 6 emplacements possibles
  • 2011-2018 – Sélection de deux sites au moins par type de dépôt
  • 2018-2029 – Forages, choix définitifs et autorisations
  • 2030-2031 – Approbation par les autorités (votation éventuelle)

La CEDRA/NAGRA a proposé 6 sites possibles pour les déchets hautement radioactifs (DHR) et moyennement à faiblement radioactif (DFMR) :

Image : fit-320×320.jpg

Parmi ces sites, la CEDRA/NAGRA  a ensuite sélectionné deux sites pouvant accueillir tant des déchets (DHR) que (DFMR) :

  • Jura-est (canton d’Argovie)
  • Zurich nord-est (cantons de Thurgovie et de Zurich)

Le Conseil fédéral a décidé que ces deux emplacements ainsi que celui de « Nord des Lägern » devaient encore faire l’objet d’études complémentaires. Cela signifie que 3 sites restent en course pour accueillir nos déchets nucléaires. Des emplacements de surface ont aussi été déterminés.

La CEDRA/NAGRA a déposé 23 demandes d’autorisation pour des forages profonds. En avril 2019, le premier forage a commencé à Bülach suivi en août d’un deuxième à Trüllikon.

Si la Confédération avance de manière très progressive, c’est que la question de la gestion des déchets nucléaire est extrêmement délicate et controversée. En effet, comment garantir que dans le million d’années à venir, les déchets enfouis, même à 1 kilomètre de profondeur, ne représenteront pas de danger pour la population ?

Si l’on se place du point de vue du site kernenergie.ch (site d’information des producteurs d’énergie nucléaire)  l’enfouissement en couche profonde des déchets nucléaires n’apporte que des avantages :

… A 500 à 700 mètres de profondeur, les déchets radioactifs sont si éloignés et si bien isolés de l’espace de vie des humains que l’on peut sans crainte les oublier, indépendamment des évolutions sociales et climatiques qui se produisent à la surface de la Terre.

Ce que l’on peut rétorquer à ce point de vue très « optimiste », c’est que dans le monde aucun enfouissement profond de déchets nucléaires de haute radioactivité n’a jamais encore été réalisé… L’énergie nucléaire n’a-t-elle pas finalement comme principal défaut de dépasser l’entendement humain avec toutes les conséquences possibles qui en découlent ?

Le charbon de mine a-t-il encore de l’avenir ?

Malgré toutes les prises de conscience et les discours, le charbon reste la source d’énergie la plus utilisée dans le monde pour la production d’électricité. Faut-il alors penser que l’avenir sera aussi noir que le charbon ?

Deux articles récents du Guardian, nous apportent quelques raisons d’espérer :

Le premier article informe que le nombre de nouvelles centrales au charbon mise en chantier a chuté de 85% depuis 2015 et de 39% rien que pour 2018. Il faut néanmoins relativiser ces chiffres car cela signifie que de nouvelles centrales sont toujours mises en chantier et que des pays comme la Chine ou l’Inde se sont massivement équipées en centrales au charbon depuis le tournant du siècle. Et ces centrales seront fonctionnelles pendant des dizaines d’années. Toujours est–il que la Chine n’autorise en 2018 que 3GW de puissance pour de nouvelles centrales électriques au charbon alors que la même autorisation était de 184GW en 2015.
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Le second article fait l’écho d’une étude qui, reprenant les chiffres de l’EIA (Energy Information Agency), arrive à la conclusion que la production d’électricité à base de charbon aux Etats-Unis est maintenant moins rentable que l’électricité d’origine solaire ou éolienne. Partant d’une production d’électricité dans un rayon de 54km autour des centrales, cette étude estime que la production d’électricité à base de charbon est dans 74% des cas plus coûteuse.
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Ceci s’explique par un coût de maintenance toujours plus élevé pour les centrales au charbon et aux normes de pollution toujours plus sévères à respecter. L’auteur conclut que l’on est arrivé à un point de basculement et qu’il y a un grand avenir pour les énergies solaires et éoliennes.

Malheureusement, le gouvernement du Président Trump est  en train, par divers décrets, de déréguler les normes anti-pollution. Il est ainsi peu probable que les USA se dirigent vers un remplacement complet du charbon par des alternatives renouvelables et peu polluantes.
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L’Europe semble montrer plus de volonté à sortir du charbon, mais parmi les 10 entreprises  les plus polluantes de l’Union européenne, les 9 premières sont productrices l’électricité à base de charbon. La dixième place revient, et c’est une nouveauté, à Ryanair ! Le Guardian peut ainsi titrer « Ryanair_is_the_new_coal… », « Ryan air est le nouveau charbon… »! Il est vrai qu’avec le développement du trafic aérien, cette compagnie a accru ses émissions de gaz à effet de serre de 50% en 5 ans…
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La géothermie a de l’avenir, même en Suisse.

Il est important de distinguer deux types de géothermie :

Les forages géothermiques verticaux pour pompe à chaleur
Dans ce cas on creuse entre 120 et 150 mètres de profondeur. A ces profondeurs une température de 8°C à 15°C est exploitée. Il s’agit donc de géothermie à « basse température ». Pour que cette chaleur soit utilisable dans la maison il est nécessaire de l’augmenter à l’aide d’une pompe à chaleur. Cette dernière nécessite de l’énergie (souvent électrique) pour fonctionner, mais le bilan est positif par rapport à un chauffage électrique direct car on parvient généralement à puiser les 2/3 de l’énergie dans l’environnement pour seulement 1/3 d’énergie électrique pour le fonctionnement de la pompe à chaleur. Ce système est bien entendu optimal si l’électricité utilisée est d’origine renouvelable !

Les forages géothermiques de moyenne et grande profondeur
Ceux-ci nécessitent des forages de centaines de mètres voire de kilomètres pour atteindre des zones très chaudes, suffisantes pour chauffer directement des bâtiments ou même actionner des turbines et produire de l’électricité. Dans ce cas, il s’agit de géothermie à « haute température ». Si en Suisse les pompes à chaleur géothermiques se sont beaucoup développées ces dernières années, en particulier dans le domaine des villas, la géothermie profonde a connu des échecs qui ont beaucoup « douché » les espoirs qu’elle avait fait naître.

  • En 2006, Un projet bâlois de forage à 5 kilomètres de profondeur a causé un très petit séisme sans conséquences (3,4 sur l’échelle de Richter). Ceci à suffit à suspendre puis annuler tout le projet. Cet échec à offert aux détracteurs de la géothermie profonde un argument pour s’opposer à tout nouveau projet en agitant le spectre du tremblement de terre. Cela a été le cas par exemple à Haute-Sorne dans le Jura, mais les opposants ont été déboutés par le Tribunal fédéral en décembre 2018, les risques étant jugés très faibles.
  • Dans le canton de St-Gall, un autre projet de 4’000 mètres de profondeur n’a finalement pas trouvé assez d’eau chaude exploitable. Le projet a été totalement abandonné en 2014.

Si l’un de ces deux projets avait été couronné de succès il est fort à parier que la géothermie profonde aurait connu un beau développement en Suisse. Ceci est d’autant plus décevant que théoriquement elle représente un immense potentiel. Mais les sous-sols suisses à 4-5km de profondeurs sont en fait très peu connus ce qui rend le succès d’un forage encore très aléatoire.

Pourtant tout n’est pas si noir puisque de nouveaux projets sont en cours ou annoncés et ceci particulièrement en Suisse romande :

Le projet à Glovelier dans la commune de Haute-Sorne (JU)
La centrale d’une puissance de 3 à 5 MWel / 20-30 MWth mégawatts prévue devrait fournir de l’électricité à 6000 ménages. Le procédé retenu par la société en charge repose sur un réseau de fissures créé par stimulation hydraulique dans des couches cristallines. Il rend les roches perméables à l’eau à des profondeurs de 4000 à 5000 mètres et permet de récupérer la chaleur régnant à ces niveaux.

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Le projet de Lavey
Depuis plus de 10 ans des projets pour exploiter le potentiel géothermique de Lavey sont annoncés. En effet, en plus de l’eau chaude utilisée par les bains et qui parvient « naturellement » en surface, il est certain qu’en creusant plus profondément, il serait possible d’exploiter de beaucoup plus grandes quantités d’eau chaude. En décembre 2018, une société (AGEPP – Alpine Geothermal Power Production) regroupant des acteurs privés et publics dont l’État de Vaud a lancé une consultation publique pour un forage de 2’000 à 3’000 mètres de profondeur. L’objectif est de capter de l’eau à 110°C avec un débit suffisant pour produire avec une turbine à vapeur, 4.2 millions de kWh par an, soit la consommation électrique d’environ 1’400 ménages. Après son passage dans la turbine, l’eau encore chaude pourrait être utilisée pour un chauffage à distance. >>lavey_geothremie.pdf

Le projet de Vinzel
A Vinzel, près de Nyon dans le canton de Vaud, un autre projet va être lancé. Ce projet prévoit un forage à 2’000 mètres de profondeur qui devrait permettre d’atteindre de l’eau à 85°CCette chaleur permettrait de réaliser un chauffage à distance qui pourrait alimenter notamment une bonne partie des bâtiments de Gland. Comme tout forage il y a une part d’incertitude et il est à espérer que le débit d’eau chaude se révèlera suffisant. vinzel_geothermie_

Les projets genevois
La région genevoise est connue pour disposer d’un potentiel intéressant dans le domaine géothermique. Un premier forage à Thonex en 1993 n’avait malheureusement pas permis de disposer des débits d’eau chaude espérés ce qui a freiné le développement de la géothermie genevoise. Depuis quelque temps, l’intérêt pour la géothermie a été relancé. Un forage exploratoire à Satigny de 744 mètres de profondeur a permis en 2018 de confirmer l’existence de quantités conséquentes d’eau chaude. Ce forage de moyenne profondeur sera suivi d’autres dans divers régions du canton de Genève (en 2019 à Lully – commune de Bernex) et jusqu’en 2020. Ensuite des forages dépassant 1’500 mètres de profondeur pourront être entrepris. https://www.geothermie2020.ch/

Nous savons depuis longtemps que les solutions devront être multiples pour nous assurer un avenir énergétique durable. C’est en additionnant les nouvelles sources d’énergie renouvelables avec l’efficacité énergétique, que nous pourrons nous affranchir à terme de notre dépendance aux énergies fossiles. Il est donc réjouissant de constater que des projets de géothermie profonde sont enfin relancés en Suisse.

Energies renouvelables et environnement

Dans le domaine de l’énergie rien n’est simple.

Bien entendu, le développement des énergies renouvelables se justifie pleinement et représente avec l’efficacité énergétique et les changements de comportements l’un des leviers les plus puissants permettant de lutter contre le réchauffement climatique.

Mais les énergies renouvelables peuvent aussi avoir des impacts sur l’environnement. Par exemple, un barrage a un impact non négligeable sur le paysage et sur les milieux aquatiques, dans le cas du chauffage au bois, celui-ci n’émet pas que du Co2 qui est régénéré dans un cycle mais également des particules fines polluantes, et toute technologie nécessite de l’énergie (grise) pour être mise en place.

Les opposants aux changements sont les premiers à utiliser ces arguments pour freiner tout développement des énergies renouvelables. La seule façon  de résoudre ces contradictions  est de ne pas les nier mais d’évaluer les avantages et défauts de chaque technologie pour aboutir à un choix rationnel.

Cette question se pose de manière particulièrement claire dans les débats sur l’énergie éolienne. Un article du journal 24heurs de début janvier fait le point sur le développement de l’énergie éolienne en Suisse. Le bilan est contrasté, certains projets ont été refusés par le vote des habitants, d’autres progressent et se réaliseront. Ce qui ressort de l’article c’est que  les fronts se durcissent entre opposants et défenseurs. Mais ces différents cas permettent aussi petit à petit de créer une sorte de « jurisprudence » permettant d’écarter les arguments à la limite de l’irrationnel ou de l’honnêteté brandis par certains opposants. Par exemple, si l’impact sur les oiseaux ne peut pas être nié, il s’agit aujourd’hui de l’estimer précisément pour répondre aux chiffres fantaisistes des opposants. A Soleure, des oppositions d’habitants situés à 2,3 km qui craignaient des infrasons, la pollution des eaux et les accidents des éoliennes ont été déboutés.

Il est peu probable qu’un camp puisse convainque l’autre, mais au moins la population pourra choisir en toute connaissance de cause sans entrer dans une irrationalité entretenue sciemment par certains. De plus, des exemples de réalisations concrètes permettront d’apporter un retour sur la réalité vécue des impacts en Suisse et non plus des exemples sélectionnés à l’étranger en fonction de leur capacité à soutenir une thèse plutôt qu’une autre. C’est ce processus de clarification qui est en marche et qui permettra, à n’en pas douter, un développement plus apaisé de l’énergie éolienne en Suisse.

Gilets jaunes et taxes sur les énergies fossiles

Tout le monde a entendu parler de la crise des gilets jaunes. Sans vouloir analyser les causes profondes de cette « jacquerie à la française », il est intéressant de rappeler que la revendication centrale des manifestants est l’annulation d’une augmentation de taxe sur les carburants. En renchérissant petit à petit le prix des produits pétroliers, le gouvernement français souhaitait diminuer la production de CO2 en encourageant les économies d’énergie, l’achat d’appareils moins gourmands et les comportements responsables. Cette « taxe écologique » devait permettre d’anticiper l’augmentation inévitable du prix des énergies fossiles liée à leur raréfaction et lutter, dès aujourd’hui, contre le réchauffement climatique.

En Suisse, ce principe est déjà appliqué. Le prix de l’essence et des énergies de chauffage sont majorées d’une taxe CO2. Environ 2/3 du revenu de cette taxe est reversé à la population (par ex. en diminution des primes maladies) et aux entreprises. Le tiers restant est investi dans le « programme bâtiments » qui promeut des mesures de réduction des émissions de CO2 (subventionnement des assainissements de bâtiments,  énergies renouvelables, recherche).

Le Conseil national a mené de grands débats jusqu’en début de cette semaine sur la révision de la loi CO2. En effet, pour respecter les engagements de la Suisse dans les accords de Paris, il est envisagé d’augmenter le prix de la tonne de CO2. Le débat a été vif et il a même été question de la possibilité encore très hypothétique de taxer le kérosène des avions qui échappe encore à toute taxe (Le Temps pdf). Le 11 décembre, le National a refusé cette nouvelle loi sur le CO2 au grand dam des milieux environnementaux. Dans le courant des discussions la taxe sur le kérozène avait déjà été refusée, l’augmentation du prix des carburants limité et les sanctions pour les importateurs de carburants qui ne compensent pas correctement les émissions de CO2 diminuées. Le National avait surtout refusé de fixer un objectif de réduction précis de CO2. Suite à ce refus, la loi va retourner au Conseil des Etats et la décision finale est prévue en 2019. Il est probable que la crise des gilets jaunes en France ait influé sur la décision de certains parlementaires car ils craignaient aussi une forte opposition et la possibilité « q’un référendum anti taxe » soit accepté par le peuple.

Le principe d’une taxe CO2 existe dans d’autres pays sous des formes diverses. Par exemple, la Suède a été la première à introduire une taxe carbone en 1991. En Finlande et au Danemark ce type de taxe existe aussi. En Grande Bretagne, depuis 2001, une taxe sur l’utilisation commerciale ou industrielle de l’énergie est appliquée (les ménages et des associations d’utilité publique ne sont pas concernés).

L’exemple français met surtout en lumière la contradiction entre une transition énergétique nécessaire et les préoccupations immédiates de la population; entre une politique de moyen-long terme et une autre de plus court-terme que les élus sont souvent enclins à privilégier pour des raisons électorales.

Comme le relève le journal anglais The Guardian dans un article titré « how_to_make_carbon_tax_popular_pdf » une province du Canada a introduit en 2008 une taxe carbone avec un remboursement de celle-ci au travers de réductions d’impôt. Cette taxe au « revenu neutre » bien qu’acceptée localement n’a pas été appliquée dans d’autres états canadiens car elle est semble-t-il « diabolisée» dans le débat politique.

Si le modèle suisse prévoit aussi une redistribution, il est peu probable que ce mécanisme puisse résoudre la crise française. En effet la redistribution est générale et ceux qui, parfois par nécessité, doivent beaucoup utiliser leur voiture, ne reçoivent pas un remboursement à hauteur des taxes qu’ils ont versées. Parmi les nombreuses interviews des gilets jaunes on a d’ailleurs beaucoup entendu qu’ils étaient favorables à agir pour le climat mais qu’ils estimaient que l’effort qui leur était imposé était injuste car inégalitaire.

Dans tous les cas, il est évident que des taxes environnementales ne peuvent être imposées sans un minimum d’acceptation de la population. Ceci plaide pour une bonne sensibilisation du public. Ainsi, les campagnes d’information n’ont pas comme unique but de changer directement les comportements. Elles ont aussi comme objectif de mieux faire comprendre les grands enjeux qui sous-tendent les politiques environnementales. Avec une population mieux informée, les efforts demandés ont de meilleures chances d’être acceptés et les modalités de leur mise en place pourront être discutées dans le cadre d’un débat constructif et apaisé.

Un changement_habitutes_rts a montré que 2/3 des suisses étaient prêts à changer leur mode de vie pour contribuer à un monde plus durable. Ceci est réjouissant, mais il n’est pas certain que le résultat du sondage eût été le même si les sondés avaient été informés très précisément des contraintes qui leurs seraient imposées…

Il y a pétrole brut et brut

Selon les régions et les gisements, le pétrole brut n’a pas exactement la même composition. Il peut être très liquide et jaune clair, épais et d’un brun/noir plus ou moins foncé et même solide (brut parafineux).

La présence plus ou moins grande d’éléments indésirables dans le pétrole brut influe sur le potentiel de production d’essence, de kérosène, ou de mazout. Certains pétroles bruts sont très lourds et contiennent jusqu’à 80% de bitume, d’autres sont très huileux, d’autres très combustibles (les plus nombreux). Par exemple, le brut de Hassi Messaoud au Sahara contient une grande quantité d’essence et relativement peu de résidus tandis que le brut Lagunillas du Venezuela est très lourd en résidus et contient en proportion relativement peu d’essence.

Pour faire du fioul lourd (utilisé par les bateaux) ou du diesel/mazout il faut un pétrole riche en molécules assez lourdes. Au contraire, pour faire de l’essence ou du GPL (gaz de pétrole liquéfié) il faut un pétrole riche en molécules assez légères.

On parle souvent du Brent qui provient de la mer du Nord ou du WTI (West Texas Intermediate ou Light Sweet). Ces qualités de pétrole brut sont des références pour la fixation du prix du baril. En effet, selon la qualité du brut (lourdeur ou légèreté) et donc sa capacité à produire des matières utiles, en particulier du carburant, le prix varie. Par exemple, un pétrole brut contenant peu de souffre es plus simple à rafiner car il nécessite moins de traitements; il a donc plus de valeur qu’un pétrole brut contenant beaucoup de souffre qui est considéré comme « Sour » (acide). Le terme « Sweet » (sucré) du WTI-light Sweet signifie que ce pétrole contient peu de soufre. Par exemple, l’un des avantages du pétrole lybien qui était utilisé dans l’ex-raffinerie Tamoil de Monthey était justement sa faible contenance en soufre.

La qualité du brut et sa composition influe donc sur son utilisation finale et sa valeur. L’importance stratégique des gisements pétroliers des pays arabes ne vient donc pas seulement de l’étendue des réserves mais également de la qualité du brut s’y trouvant (la facilité d’extraction et d’acheminement vers les pays consommateurs entre bien entendu aussi en ligne de compte).

L’électricité hydraulique a-t-elle un avenir ?

Ces dernières années les grandes entreprises productrices d’électricité suisses (Alpiq, Axpo) ont annoncé de très gros déficits. Cela s’explique principalement par le fait que l’électricité hydraulique est de moins en moins rentable face à une surcapacité de production en Europe résultant en partie du développement des nouvelles énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque), massivement subventionnés. Dans le passé, il était toujours rentable de turbiner l’eau des barrages aux heures de pointes en vendant l’électricité très chère à l’étranger. Aujourd’hui, il suffit que du vent et/ou du soleil soient présents à ces heures pour que l’électricité soit rachetée très bon marché car abondante.
En crise, les barrages suisses s’infligent une cure d’austérité – Le Temps

Cette situation a mené l’entreprise Alpiq à annoncer qu’elle était prête à vendre certains de ses barrages…
Alpiq veut céder la moitié de ses barrages – Le Temps

Dans le même temps, les redevances versées aux cantons sur le territoire desquels se situent les barrages sont en rediscutions. Les propriétaires de barrages, sur la base de la situation très difficile du marché avec des prix d’achat très faibles, souhaitent diminuer fortement ces versements. Les cantons Alpins, dont le Valais, se sont exprimés fortement contre toute baisse de ces redevances hydrauliques. Les cantons alpins défendent chèrement la redevance hydraulique – Le Temps

La situation semble bien sombre pour l’hydro-électricité suisse, mais quelques signes positifs sont à relever :

– En votant en faveur de la stratégie énergétique le 21 mai, les Suisses ont accepté de soutenir leurs barrages tout en abandonnant le nucléaire. Parallèlement certaines pressions politiques sont en cours pour que les pouvoirs publics soutiennent encore plus fortement le secteur.

– Alpiq a finalement décidé d’abandonner son idée de vendre ses installations hydrauliques. Celles-ci vont donc rester en mains suisses, mais cela signifie aussi qu’Alpiq n’a peut-être pas trouvé d’acquéreurs au prix demandé…
Alpiq renonce à vendre une partie de ses centrales hydroélectriques – Le Temps

– Les projets hydrauliques ne sont pas tous bloqués. Par exemple, la centrale de pompage-turbinage des Forces Motrices Hongrin-Léman à Veytaux (près de Villeneuve) vient d’inaugurer deux nouvelles unités de production qui permettent de doubler la puissance. Même si le projet a vacillé face à la situation du marché, il a quand même été mené en grande partie à terme.Energeia – n° 3/17

Les années prochaines seront cruciales. L’énergie hydraulique saura-t-elle résister à court terme à la pression du marché ? Ce serait souhaitable car beaucoup d’analystes pensent que l’hydraulique a de l’avenir. En effet, les barrages restent la seule manière vraiment efficace et à grande échelle de stocker les surproductions d’électricité De plus, toutes les sociétés productrices d’électricité en Suisse ne sont pas dans les chiffres rouges. Les distributeurs locaux, qui disposent entre autres de beaucoup de clients captifs sont moins touchés par ces distorsions du marché.

MR&LM

Energie primaire ou finale ?

Comme le relève Christian Trachsel dans l’article ci-joint, les consommations d’énergie sont généralement calculées en « énergie finale ». C’est à dire que l’on prend en compte l’énergie à la prise ou celle que l’on met dans le réservoir de la voiture; sans incorporer les pertes d’exploitation et de production.

Il serait pourtant plus logique de tenir compte de toute l’énergie perdue lors de l’extraction, la production, la transformation et le transport des énergies. En calculant en « énergie primaire » nous pourrions prendre en compte, par exemple, les 60 à 70 % d’énergie perdue dans les centrales électriques thermiques ou toute l’énergie nécessaire à forer, transporter et raffiner le pétrole.

Il faut aussi ajouter que toutes les pertes d’énergie ne se valent pas. En effet, l’énergie perdue dans une centrale nucléaire ne peut être comparée à celle d’une centrale hydraulique. En effet, la centrale hydraulique ne parvient peut-être pas à convertir plus de 60% de l’énergie de l’eau en mouvement mais cette eau n’est pas perdue, ne pollue pas et participe à un cycle. Ces pertes ne sont donc pas à comptabiliser dans nos consommations. Ceci ne doit bien entendu pas nous empêcher de rechercher à développer des moyens capables de récupérer un maximum d’énergie renouvelable. Imaginons que demain, des chercheurs parviennent à concevoir des capteurs photovoltaïques avec des rendements de 90%, une grande part des enjeux énergétiques seraient résolus.

Le prix du pétrole va-t-il augmenter ?

L’Agence Internationale de l’Energie prévoit une augmentation du prix du pétrole vers 2020.
La raison en serait la forte de baisse dans les investissements d’exploration et d’exploitation depuis 2014 où le prix du baril était au plus haut (114$ contre ~55$ aujourd’hui).

A l’heure actuelle, le prix modéré du pétrole n’encourage pas les investissements dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie; et ce n’est pas le budget proposé par le Président américain Trump qui va changer les choses, bien au contraire. Il vient en effet de proposer de réduire de 31% le budget de l’Agence américaine de l’environnement !

Voici ci-dessous l’évolution de l’offre de pétrole par rapport à la demande prévue par l’AIE. On voit bien que l’écart se resserre vers 2020 ce qui devrait influencer les prix vers le haut.

Image : GRAPHsparecapacity.png

Toutes ces prévisions sont à court terme, comme la politique du Président Trump. Sur le long terme, les états qui auront adopté une politique plus courageuse en prévision de la raréfaction inéluctable du pétrole, s’en sortiront certainement le mieux.

Les prévisions de l’évolution offre/demande de pétrole sur le site de l’AIE

Article du Temps du 8 mars